Compte rendu de la conférence de M. Bouissou du jeudi 25 octobre 2018.
Une centaine de personnes ont assisté le 25 octobre à la conférence que Jean-Marie Bouissou « De rites en rites. Une vie de Japonais(e) », rebaptisée par lui « La fabrique de Japonais(es) »
Pour Confucius, « les rites » sont la condition sine qua non du bon ordre de la société, et par conséquent, de celui du monde. Par ce terme, il entendait les conduites par lesquelles chacun montre aux autres qu’il accepte la place où il se trouve dans la hiérarchie sociale, et y accomplit correctement la tâche qui lui est ainsi dévolue.
L’observation des rites n’est donc pas une simple affaire de politesse, mais une question de vie ou de mort pour la communauté. Il s’ensuit que la peine de mort (à l’époque d’Edo), ou parfois encore la mort sociale et professionnelle, peut être justifiée pour qui les viole.
On peut dire qu’en leur inculquant minutieusement la manière de se conduire, le Japon « fabrique les Japonais(es) » comme membres de la société, de la nation, et d’un genre[1]
Jean-Marie Bouissou a analysé cette fabrication à travers sept exemples de conduites que les Occidentaux trouvent souvent absurdes, et parfois dégradantes. Il montre que chacun de ces rites a une fonction précise.
1) Le rite en six temps imposé aux parents qui viennent déposer un petit enfant dans une crèche publique les entraîne à accepter de toujours faire avec minutie les choses que la société attend de ses membres, sans en questionner le bien-fondé.
2) La voix artificielle imposée à beaucoup de femmes qui travaillent complète cet apprentissage en obligeant à donner publiquement à voir cette acceptation.
3) Le tableau noir sur lequel les membres du staff d’un club de sport entretiennent à tour de rôle les membres de tout et de rien est l’un des nombreux rites de « communication obligatoire contrôlée » destinés à créer au sein d’un groupe une manière de proximité chaleureuse artificielle.
4) Les excuses publiques avec larmes démonstratives, et le cas échéant autopunition, sont le rite destiné à réparer la perte de confiance et le scandale créés par le comportement de l’un des membres de la communauté, à laquelle il demande absolution et réintégration.
5) Les manifestations à la japonaise, dont les plus massives restent disciplinées, sont un rite de protestation auquel les dirigeants doivent répondre au moins par un rituel d’écoute, même s’ils ne cèdent que très peu, voire rien.
6) La remise de diplôme, qu’un enfant de trois ans sait déjà recevoir dans les formes, manifeste que la bonne conduite est toujours dûment récompensée.
7) Enfin, le port du casque dans un grand nombre de situations où son inutilité est manifeste rappelle à tous que le monde est dangereux, et qu’il convient donc d’obéir à la société et aux dirigeants qui vous protègent.
Il a ensuite montré comment la société elle-même récompense le respect de ces conduites et punit leur non-respect, sans que la justice n’ait rien à y voir, et comment celle-ci entérine souvent cette façon de faire.
Après les rites qui « font société », Jean-Marie Bouissou a analysé ceux qui « font nation », en comparant la France et le Japon à travers deux exemples. Celui des jours fériés, qui ont ici un sens cohérent (le cycle de la nature et le territoire dans ses trois composantes, la communauté humaine et ses trois âges, un Etat qui se fonde et se refonde après les chocs, sans oublier l’empereur). Ensuite deux grands évènement sportifs estivaux qui captivent le public : le Tour de France et le Kôshien, qui véhiculent des valeurs bien différentes…
Une discussion animée a suivi…
[1] Sur ce dernier point, le conférencier suggère aux organisateurs une séance spécifique avec deux intervenants.